lundi 28 février 2011

Béji Caid Essebsi: La facette répressive de l’ancien Ministre de l’Intérieur.

Béji Caid Essebsi est un Ancien directeur de la sureté nationale (janvier 1963- juillet 1965), secrétaire d’Etat à l’intérieur (juillet 1965-septembre 1969), ministre de la défense (novembre 1969- juin 1970), ambassadeur en France (aout 1970- novembre 1971), ministre délégué auprès du premier ministre (décembre 1980- avril 1981) ; ministre des affaires étrangères (avril 1981- septembre 1986). (Après 1987, il a été nommé membre du Conseil Constitutionnel entres autres).


Béji Caid Essebsi s’est toujours présenté comme faisant partie de la tendance libérale au sein du PSD (Parti Socialiste destourien rebaptisé RCD en 1988) et ce depuis 1970. Cependant, Béji Caid Essebsi ne s’est jamais expliqué sur son passage au Ministère de l’Intérieur ( Béji Caid essebsi est Ancien directeur de la sureté nationale (janvier 1963- juillet 1965), Secrétaire d’Etat à l’intérieur (juillet 1965-septembre 1969).


En 2002, Il a réalisé un Entretien avec Michel Camau et Vincent Geisser.( Ouvrage : Bourguiba la trace et l’héritage », Ouvrage collectif, sous la direction de Michel Camau et Vincent Geisser. : 01/05/2004 Editeur : Karthala. Entretien Béji Caid Essebsi, pp 577-601. Entretien réalisé par Michel Camau et Vincent Geisser en avril 2002. Transcription revue et corrigée par Béji Caid Essebsi. )



Cependant,dans ses mémoires publiées récemment (elles s’étendent sur 515 pages quand même) « Habib Bourguiba , le bon grain et l’ivraie », Béji Caid Essbsi ne cite pas cette interview peu connue en Tunisie. L’examen de la page 417 de ses mémoires renseigne sur la présence de 21 annexes rattachées aux mémoires de Béji Caid Essebsi… mais on ne trouve pas son interview avec les deux chercheurs français.



Et pour cause, c’est dans cette interview qu’on constate la facette répressive de Béji Caid Essebsi.


A la page 597 de son entretien avec Michel Camau, en réponse à une question portant sur les conditions de détention terribles à la prison de Borj Erroumi , Béji Caid Essebsi a déclaré :

« Les conditions étaient difficiles parce que Borj Er Roumi était une ancienne prison française, celle de la Légion étrangère. Personnellement, je ne l'ai visitée qu'après. J'ai vu que c'étaient des caves humides. Mais auparavant, je ne le savais pas ».


Pourtant, Noura Borsali a rapporté dans son article : « Le complot de décembre 1962 : Fallait-il les tuer ? »( Noura Borsali, 26-12-2002- Noura Borsali- Réalités- Hebdomadaire tunisien,repris dans son ouvrage : Bourguiba à l’épreuve de la démocratie »), les propos d’un prisonnier à Borj Erroumi, Temime H’maidi Tounsi :







« Les autres condamnés ont été amenés, le 2 février, au bagne ottoman de Porto Farina, au dépôt de munitions du temps des Turcs où enchaînés aux pieds, ils ont passé sept ans dans des conditions très dures et sans aucune nouvelle de leurs familles. Ils ont été conduits ensuite à la prison Borj Erroumi de Bizerte où ils ont vécu dans des damous ,sorte de dépôt de munitions du temps des Français à 37 marches (à environ 15 m) de profondeur. Les murs, selon les témoignages recueillis, suintaient continuellement : 3 à 4 litres par jour si bien que “ nous grelottions hiver comme été à cause de l’humidité. Quant au soleil ou aux rais de lumière, nous n’y avons eu droit qu’après nos sept années passées à Porto Farina et notre transfert à Bizerte. Pendant plus de sept ans, nous avons vécu dans
l’obscurité de jour comme de nuit ”, confie Temime H’maidi Tounsi (lire plus loin le témoignage de Ben Yochrett). Ils ont reçu la visite de quelques personnalités politiques comme Taïeb Mhiri, Béji Caïd Essebsi , Mohamed Farhat, Hédi Baccouche, Tahar Belkhodja, Fouad Mbazaa, le gouverneur de Bizerte… “ Après la visite de Taïeb Mhiri, le système est devenu plus dur.


Je me souviens encore de la phrase de Béji Caïd Essebsi :
“ Ils tiennent encore ? ”, nous dit encore Temime H’madi Tounsi »






A la page 598 (Entretien Béji Caid Essebsi) encore, à propos du complot de 1962, Béji Caid Essebsi joue la confusion en précisant :



« Pour celle du complot de décembre 1962, j'étais en fonctions puisque, comme je l'ai déjà dit, j'ai été nommé directeur de la Sûreté à cette occasion. Mais elle a été traitée par le ministère de la Défense ».


Azzedine Azzouz confirme à la page 229 de son ouvrage ( "L’Histoire ne pardonne pas ». Azzedine Azouz . Tunisie 1939-1969. ) que " l’affaire du complot de décembre était bien jugée devant le tribunal militaire, boulevard Bab-Mnara, dans l’immeuble du ministère de la défense nationale".



Cependant, le même Azedine Azzouz relate dans les pages 223-224-225-226, les conditions dans lesquelles se passaient les interrogatoires qui se déroulaient dans les locaux du ministère de l’intérieur dirigé par Béji Caid Essebsi :


Extrait de la page 224 de l'ouvrage de feu Azzedine Azzouz :


« Je ne peux décrire ici ce lue j'ai entendu ce soir-là : tortures, supplices, cris inhumains, coups de cravache, étouffements à l'eau, brûlures à la cigarette et à l'électricité, supplice de la bouteille, etc. Je ne pouvais en croire mes oreilles et n'imaginer vivre en plein vingtième siècle, dans une Tunisie moderne et indépendante sous la présidence de Bourguiba. Un policier de stature colossale fit irruption dans la pièce où j'étais, une cravache à la main et tout en sueur à force de frapper les détenus. Me regardant, il me lança : « Estime-toi heureux de ne pas subir le même sort puisque tu es libre... »

Même les policiers qui assuraient le service de nuit arboraient un air dégoûté et grinçaient des dents. L'un Parmi eux, un vieux, remarqua : « C'est une honte, on a jamais vu ça même du temps du colonialisme français. » (fin)




A la page 598 de l’Entretien de Béji Caid Essebsi, en réponse à une question portant sur les conditions de détention des militants de Perspectives (l’extrême gauche), Béji Caid Essebsi a déclaré :


« Je ne sais pas si vous me croyez, mais je l'apprends maintenant. » ( Ce n’est qu’en 2002 qu’il a appris que les conditions de détention des prisonniers politiques en 1967 étaient inhumaines ! Alors qu’en 1967, il était bel et bien le Ministre de l’intérieur !)


La torture ? Les conditions de détention inhumaines ?...

l’Ex Ministre de l’Intérieur Béji Caid Essebsi déclare à Michel Camau en 2002:

« Je ne sais pas si vous me croyez, mais je l'apprends maintenant. ».



Et quand Vincent Geisser et Michel Camau insistent sur les conditions de détention des opposants qui ne pouvaient pas échapper à l’ancien ministre de l’Intérieur, Béji Caid Essebsi déclare :




« Cela dit, je ne sais pas exactement de quoi les perspectivistes se plaignent. Ils disent qu'ils ont été victimes de violences ».


Il faut croire qu’en 2002, l’Ex Ministre de l’intérieur ne savait pas de quoi se plaignaient les opposants de Habib Bourguiba qui ont sauvagement torturés alors qu’il était le Ministre de l’intérieur.

Feu Noureddine Ben Khedr a rappelé de son vivant les conditions d'interrogatoires des Militants de Perspectives ( M. Béji Caid Essebsi était le Ministre de l'Intérieur)


Qu’en est-il alors des déclarations de l’Ex Ministre dans lesquelles, il se gargarise avec cette formule :

« J'ai l'habitude d'assumer mes responsabilités. »



Ou à la page 11 de ses mémoires quand il écrit « témoigner, le passé doit servir de leçon pour le présent. Si nous arrivons à dire la vérité sur notre passé, peut- être oserons nous dire la vérité sur notre présent », on comprend qu’il s’agit de formule littéraire car l’Ex ministre n’assume pas ses débuts répressifs même 40 ans après les faits…



A propos de vérité, la question demeure posée à l’Ex ministre de l’Intérieur, Béji Caid essebsi :


Quand aura-t-il le courage politique de dire la vérité, sur les conditions de détention des prisonniers politiques, sur la torture des militants de l’Extrême gauche, sur les manifestations de Borj Rais (octobre 1965) qui ont enregistré 5 morts et
12 blessés et des centaines d’arrestations ; sur la mort du syndicaliste Hassen Saadaoui (responsable syndical) (En janvier 1963, il a été convoqué par la police pour un interrogatoire puis, la police a informé ses proches qu’il est mort l’après midi dans les locaux de la police) et sur bien d’autres questions.



toute la vérité qu’il n’a pas dit encore… et qu'on ne retrouve pas dans ses mémoires.


Peut être que ces vérités là, le font rougir.


Dans ses mémoires, il a manqué du « courage politique »

à l’Ex ministre de l’Intérieur pour dire


toute la vérité sur son parcours politique.

Peut être que cette vérité ....fait rougir





Extrait de Entretien avec Béji Caid Essebsi

Ouvrage : Bourguiba la trace et l’héritage », Ouvrage collectif, sous la direction de Michel Camau et Vincent Geisser. : 01/05/2004 Editeur : Karthala. Entretien Béji Caid Essebsi, pp 577-601. Entretien réalisé par Michel Camau et Vincent Geisser en avril 2002. Transcription revue et corrigée par Béji Caid Essebsi.




Page 595. Extrait de Entretien avec Béji Caid Essebsi




Quand vous étiez au ministère de l'intérieur, vous avez eu connaître directement de la politique du régime à l'égard des opposants et notamment du groupe Perspectives. Y -avait-il conscience d'un danger, des alertes ?



À l'époque, le ministère de l'Intérieur n'était pas le ministère de la police mais celui de la politique générale, à travers notamment l'action des gouverneurs. Bien sûr, dans ce cadre, il avait pour rôle de mettre fin aux atteintes à l'ordre public et de réprimer les fauteurs de troubles. Mais nous n'avons pas eu beaucoup à intervenir en ce domaine. Certes, il y a eu l'affaire yousséfiste mais celle-ci a été traitée principalement par le parti. D'ailleurs, nous ne sommes pas encore guéris des conséquences néfastes de cette scission qui a beaucoup hypothéqué le présent et une grande partie de l'avenir de la Tunisie. Après, se sont manifestés ceux que vous appelez les « perspectivistes ». Ils ne présentaient quelque importance que dans la mesure où ils étaient généralement des gens instruits, des professeurs, des intellectuels...



Ils ont commencé leurs activités à Paris, puis à Tunis en 1964. En 1966, la police a procédé à de premières arrestations suite à la saisie de leur revue, Perspectives, imprimée à Paris. Les choses se sont envenimées, notamment en 1967 avec l'arrestation de Ben Jenner (« l'affaire Ben Jennet ») et surtout en 1968.



J'ai l'habitude d'assumer mes responsabilités. Jusqu'au 5 juin 1967, j'étais responsable, d'abord en tant que directeur de l'administration régionale – j'étais pratiquement le numéro 2 du ministère de l'Intérieur –, ensuite comme directeur de la Sûreté à partir de 1963 et enfin comme ministre de l'Intérieur, à partir de 1965. Mais en juin 1967, Bourguiba a confié la direction générale de la Sûreté à Tahar Belkhodja et ce domaine a échappé à mon contrôle bien que je sois resté ministre de l'Intérieur. J'ai, d'ailleurs, eu récemment une polémique à ce sujet avec T. Belk¬hodja, qui dans son livre a présenté une version des circonstances de sa nomination contraire à la vérité. Tout ce qui est antérieur au 5 juin 1967 est de ma responsabilité.


Le 5 juin 1967 a eu pour contexte la « guerre des Six Jours » opposant Israël à l'Égypte, la Syrie et la Jordanie. Le gouvernement tunisien avait sur la question palestinienne une approche différente de celle des diri¬geants du Machrek. Bourguiba l'avait exposée lors de sa tournée au Moyen-Orient en février 1965, où, je l'avais accompagné en ma qualité de responsable des services de sécurité. Lorsque la guerre a éclaté, le gouvernement tunisien n'a pas réagi avec la célérité requise pour





Page 596. Extrait de Entretien avec Béji Caid Essebsi






dénoncer Israël et témoigner de sa solidarité avec les pays arabes. Il a tergiversé : Bourguiba était à Carthage, nous ne pouvions prendre posi¬tion sans le consulter. Les gens sont descendus dans la rue. Au début, ils se bornaient à manifester. Ils se sont amassés devant l'ambassade de Grande-Bretagne, au centre de Tunis, puis ils sont allés devant le Centr¬culturel américain. Ce jour-là, comme d'habitude, à Tunis, une seule brigade de police était en service. Chaque brigade - elles se relayaient toutes les six heures - comptait 125 agents. Mais, une fois décomptés les personnels malades, en congé ou affectés à des postes de protection des ambassades ou autres bâtiments, il n'y avait, en tout et pour tout, le 5 juin, que 55 policiers en ville. En effet, au ministère de l'Intérieur, nous ne nous appuyions pas principalement sur les forces de police - nous n'en avions pas - mais nous tenions par la force politique, le rayonnement des dirigeants, le parti... II fallait que le Bureau politique adopte une position et celle-ci a tardé. Les manifestants, lorsqu'ils ont vu qu'il n'y avait pas de forces de police devant, ont commencé à jeter des pierres. À la direc¬tion du parti, nous avons eu une discussion. Certains étaient partisans de l'utilisation de la force, c'est-à-dire du recours à l'armée.


Qui était partisan de l'utilisation de la force ?



Ahmed Ben Salah, Mohamed Sayah, bien sûr, Allala Laouiti, secré¬taire particulier de Bourguiba, peut-être Tahar Belkhodja, qui était le chef de cabinet de Ben Salah. Allala Laouiti m'a téléphoné à ce sujet. Je lui ai fait observer que, pour une affaire de cette nature, il importait que le président lui-même me fit connaître directement sa position. Moi, j'étais contre l'utilisation de la force. J'avais compris qu'au-delà de quelques éléments qui voulaient en découdre avec le régime, il s'agissait d'un mouvement populaire. Je l'ai dit à Bahi Laghdam, qui était, lui-même, objet de pressions. Ahmed Mestiri, le ministre de la Défense nationale, qui n'était pas partisan de l'implication de l'armée dans le rétablissement de l'ordre, a considéré, quant à lui, que l'armée ne lui appartenait pas mais que si la décision de la faire intervenir était prise par le gouverne¬ment, il lui fallait une réquisition du ministre de l'Intérieur, c'est-à-dire de moi-même. Je n'ai pas voulu procéder à une réquisition.



En ville, il y a eu des débordements, surtout en raison d'une fausse manoeuvre du Bureau politique. Celui-ci a décidé d'organiser une réunion publique au centre-ville, sur l'emplacement de la foire -commerciale de Tunis, avenue Mohamed-V. La réunion, à laquelle les gens avaient été conviés par haut-parleurs, était présidée par Mongi Slim et Ahmed Ben Salah. Elle a mal tourné dans la mesure où les actes les plus graves ont été commis à l'issue de ce meeting : lorsque les gens en sont sortis, ils ont commencé à saccager, à brûler, etc.







Page 597. Extrait de Entretien avec Béji Caid Essebsi




Ces actes ont été commis par les participants à la réunion organisée par le parti ?
Bien entendu ! C'était n'importe qui. On avait organisé une réunion populaire pour essayer de canaliser la réaction aux événements du Moyen-Orient. En réalité, il n'y a pas eu de morts ni un seul coup de feu tiré. Je considère que ce qui s'est passé n'est, en définitive, pas très grave, compte tenu des circonstances_ Le lendemain, je ne vous le cacherai pas, nous avons fait appel à des peintres pour rebadigeonner la ville et nous avons présenté des excuses à l'ambassadeur de Grande-Bretagne et au Grand Rabbin. La synagogue de Tunis n'avait pas brûlé mais des manifestants y étaient entrés et avaient tenté, en vain, d'y mettre le feu.



Nous avons eu un différend sur la façon de gérer cette crise. Les uns souhaitaient recourir à la force tandis que pour ma part je voulais qu'on utilise des moyens politiques. On a mené contre moi toute une campagne pour essayer de me déloger. Il paraît que je gênais dans la mesure où je me conformais à la politique du gouvernement mais essayais d'agir avec discernement. Certains ont vu le président Bourguiba pour tenter de faire pression sur lui. D'après Tahar Belkhodja, chef de cabinet de Ben Salah (qui, lui-même, était aussi à l'origine de ces pressions), il aurait vu le président qui lui aurait dit : « D'accord, je vais te charger de ceci, je vais te charger de cela. » Jusque-là, c'est peut-être vrai. Mais lorsqu'il dit que le lendemain Bourguiba nous aurait reçus tous les deux ensemble et aurait tenu tels ou tels propos, je réponds que c'est faux. Je n'ai pas rencontré le président pour la bonne raison qu'il était malade. J'ai opéré sans son accord mais avec celui de Bahi Ladgham, qui était en charge de cette affaire. Nous ne nous sommes rencontrés chez le président que le 9 juin, pour tirer la leçon des événements. Avant cette réunion, je me suis entre¬tenu longuement avec Bourguiba, une heure et demie durant, pour lui expliquer le pourquoi et le comment de ce qui s'était passé. Je lui ai dit : « Il serait indigne de votre régime de nous défausser sur la police. Nous avons été en présence d'un mouvement spontané du peuple qui était mécontent de notre position sur le Moyen-Orient. » Il l'a compris. J'ai remis mon poste à sa disposition mais il a estimé qu'il n'en était pas question. J'ai accepté la nomination de Tahar Belkhodja comme directeur de la Sûreté, c'est-à-dire de la police, à la place de Fouad Mebazaa, tout en précisant que j'avais moi-même assumé la responsabilité directe des opérations le 5 juin. Deux jours après cette réunion, Tahar Belkhodja a demandé de diriger également la Garde nationale. Bourguiba a acquiescé en le nommant directeur général de la Sûreté. Il a consenti cette conces-sion dans la mesure où il avait refusé mon départ du ministère. J'ai dit à Bourguiba que cette nomination cumulative était une erreur. Il m'a répondu : « Laisse-le faire son expérience, on verra ! » À vrai dire, cette « expérience » a tourné court. En tout cas, à partir du 9 juin 1967, je n'étais plus, de fait, responsable de la sécurité. Celle-ci est passée sous le enntrffle de Tahar Relkhoclia C'est donc lui nui a eu à traiter de « l'affaire




Page 598. Extrait de Entretien avec Béji Caid Essebsi




Ben Jennet » et des Perspectivistes. Je me souviens bien de Ben Jennet parce que nous avions filmé les manifestations et qu'il apparaissait sur les images, avec d'ailleurs des gens qui étaient du parti. Néanmoins l'affaire a été traitée par Tahar Belkhodja et non par moi. Cela dit, je ne sais pas exactement de quoi les perspectivistes se plaignent. Ils disent qu'ils ont été victimes de violences. Certains de mes amis, il est vrai, ont fait de la prison.




Nombre d'entre eux ont été arrêtés en 1968 et ont fait l'objet de tortures. Ils disent que lors de leur emprisonnement à Borj Er Roumi, ils ont découvert une autre face de la Tunisie qu'ils n'imaginaient pas. D'ailleurs, ils y ont croisé des condamnés du complot de 1962, détenus dans des conditions ahurissantes.



Les conditions étaient difficiles parce que Borj Er Roumi était une ancienne prison française, celle de la Légion étrangère. Personnellement, je ne l'ai visitée qu'après. J'ai vu que c'étaient des caves humides. Mais auparavant, je ne le savais pas.




Cette affaire livre sur Bourguiba et son régime un éclairage peu favorable.



Je ne veux pas dédouaner Bourguiba ni me dédouaner moi-même, puisque après tout il y a eu toute une période où moi-même j'étais responsable. Tahar Belkhodja n'a été responsable qu'à partir de juin 1967. J'ai eu à connaître de l'affaire du complot de décembre 1962, pour laquelle Bourguiba s'est montré très intransigeant. Mais je ne crois pas qu'il savait exactement dans quelles conditions les condamnés étaient détenus. Il ne s'occupait pas de ces choses-là. Néanmoins son intransigeance, son refus de l'éventualité de leur libération relèvent du constat.




Vous avez pu le vérifier vous-même, à Borj Er Roumi les prisonniers étaient détenus dans des caves. Les condamnés du complot de 1962 y sont restés pendant plus de dix ans. Les condamnés du groupe Perspectives y sont restés...




Ceux-là, ils n'étaient pas dans des caves...




Ils sont restés quatre mois dans les caves.



Je ne sais pas si vous me croyez, mais je l'apprends maintenant.



Ils ont décrit ces conditions de détention. Gilbert Naccache a publié un livre, Cristal.

Ils ont été arrêtés en 1968. Je n'ai pas eu à m'occuper de l'affaire de Perspectives. Pour celle du complot de décembre 1962, j'étais en fonctions puisque, comme je l'ai déjà dit, j'ai été nommé directeur de la Sûreté à cette occasion. Mais elle a été traitée par le ministère de la Défense



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nationale parce que des militaires ont été impliqués. D'ailleurs, les condamnations ont été prononcées par le Tribunal militaire. Ils sont restés sous le contrôle de l'armée jusqu'au jugement. Pour l'exécution des peines, ils ont d'abord été détenus à Ghar el Mellah, en bord de mer, où les conditions étaient très mauvaises. On les a ensuite transférés à Borj Er Roumi, l'ancienne prison de la Légion étrangère qui avait été réaménagée


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